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Retour Kathmandu - la Suisse, en 9 paliers (Août 2014)

Retour Kathmandu - la Suisse, en 9 paliers (Août 2014) :

Il y a 2 ans, nous avions dérivé depuis la Suisse, avec ravissement pendant 30 jours, sur un cargo transatlantique de containers, pour nous faire passer en douceur dans les réalités des autres mondes.

Aujourd’hui nous ne pouvons qu’opter pour une lente marche à rebours, afin de gravir couche par couche les marches du gratte-ciel du confort.

Nous sommes déjà à Istanbul, dernier sursaut de la « Petite Asie »; la richesse des tissus du Népal et de l’Inde qui s’enlisent dans les brises du Bosphore, quelques foulards multicolores de soie sont encore présents sur les grandes places devant les extraordinaires Mosquées qui dessinent ce ciel devenu à nouveau limpide. Un, deux, trois, quatre ou six minarets soutiennent les Nefs et coupoles dans l’espace. Elles ont la même fonction que nos tours de clochers, sur un style moins mastoc ; celle d’appeler le pèlerin. Les chanteurs-crieurs sont devenus des haut-parleurs quand chez nous les cloches se sont électronisées. Leurs profils effilés contaminent à l’ensemble des édifices une élégance qu’aucune de nos églises ne peut leur envier.

Les derniers cache-sexes intégraux des burqas surréalistes, ne sont plus portées par les femmes turques, mais par les nouvelles touristes arrivées d’Arabie Saoudite, dont le visa n’est plus nécessaire ici depuis quelques mois. Les femmes turques stambouliotes, dans leur grande majorité, sont déjà bien plongées dans la modernité des grandes villes occidentales, même si le nouveau président Erdogan cherche à les en retenir le plus absurdement possible… en les empêchant de rire.

Istanbul est une pure merveille. Son histoire sanglante, comme l’est l’Histoire dans TOUS les recoins de la planète, (même chez les bouddhistes des royaumes montagnards, dont on pense avec grande erreur qu’ils n’auraient été que pacifiques et spirituels…,) laisse réapparaître le terme de « Chrétiens » (d’Orient), car la ville aura été pendant de très long siècles, au gré des influences politiques, le plus important centre chrétien du monde, avec comme pôle sa Basilique Sainte Sophie, qui fut transformée sous l’Empire Ottoman en Mosquée avec 4 nouveaux minarets qui vinrent s’implanter sur ses flancs, puis retransformée en 1934 en musée.

Au centre-ville notre premier tram réapparaît. Même dans les virages les roues ne crient plus. Les parois de tôle de Kathmandu ont toutes été remplacées par des parois de verre, et les vitres sont translucides, nettes.

Les couleurs ne sont plus si vives, les odeurs de la vie ont disparu dans je ne sais quel aspirateur. Seul le marché aux épices diffuse encore quelques relents.

La perte des clochettes, le perte du feu et des flammes des centaines de bougies à l’huile, la perte du chaos et l’arrivée définitive de la propreté.

L’eau qui ne mousse plus sur le Bosphore d’Istanbul, l’eau qui ne sent plus sur le Danube de Budapest, l’eau qui est à nouveau potable au robinet de Vienne.

Entre Sofia et Belgrade, on retrouve certes une petite déstructuration à l’indienne qui nous amuse beaucoup, mais sitôt passés la frontière hongroise on comprend que la progression du confort est à sens unique.

Les sandwiches sont à nouveau vendus sous vide, sous cellophane. Les jus de fruit sont vendus en brique.

Les voitures qui s’arrêtent devant les passages-piétons, ce même piéton qui reprend son identité, et la densité des plantations de maïs au m2 est incroyable.

La limite des villages, la limite de la forêt est à nouveau respectée, la précision de l’aménagement du territoire est surprenante.

Les Garden-Center pullulent, le citoyen cultive pour décorer et non plus pour manger. Les délires des câblages électriques sont redescendus sous terre. Les œuvres d’art surgissent dans les jardins publics ainsi que l’art du graffiti. Les flancs des vaches ne sont plus creux mais dodus.

On a l’impression d’être dans un grand parc d’attraction, et le « shopping-mall » du luxe à l’indienne, le centre commercial dernier cri n’est plus juste « dedans » mais s’étire partout à l’extérieur, jusqu’au sommet des montagnes. C’est presque un monde génétisé ou tout semble contrôlé, un monde pastellisé où tous les tons et les intensités sont arrondies, les extrêmes ramenées proche de leur centre.

Les tuiles tiennent depuis bien longtemps sur les toitures, plus de brique, de bâches, de pneus et de poutres pour les retenir.

En Bavière les forêts de sapins de Garmisch Partenkirchen semblent avoir été taillées au sécateur, les prairies ondulées des alpages fauchées avec la tondeuse électrique de Wimbledon. Dans le soleil des prairies vertes pomme, les télésièges attendent déjà les skieurs et les neiges de décembre.

Ici, lors des retrouvailles, on embrasse d’abord son chien pendant 10 minutes avant d’adresser une petite accolade furtive à son amoureux.

Les Tuk-tuk, les taxis et bus surchargés, déglingués et pétaradants ne sont que de vagues plaisanteries. Ici les automobilistes glissent sur des coussins d’air. Les sièges sont tous vides. Tout le monde a sa voiture à lui et les peaux sentent à nouveau l’after-shave et les laits hydratants.

Dans le train d’Innsbruck à Delémont les wagons nous interdisent d’écouter de la musique sous casque, …et de parler, pour préserver la tranquillité. Mais les toilettes sont propres et chauffées, il y a toujours du papier, et nos pieds ne gogent plus dans l’urine d’un plancher défoncé. Les écrans sont partout et nous savons maintenant précisément à quelle vitesse nous roulons.

Demain nous n’aurons plus besoin de rincer nos culottes et chaussettes au lavabo. Notre fermons une dernière fois nos fermetures éclairs de nos petits sacs de voyage.

Dans quelques heures nous serons sur le dernier quai de Gare, destination finale et point de départ réuni : Genève, la Suisse, et nous embrasserons longuement nos familles.

Delémont (Suisse), 17 août 2014

Retour Kathmandu - la Suisse, en 9 paliers (Août 2014)